Putain

Nelly Arcan — 2001

Couverture de Putain de Nelly Arcan

Je veux que la honte change de camp, je veux que ce soit eux qui sentent cette chaleur monter jusqu’aux oreilles, que ce soit eux qui descendent les yeux.

Il n’y a pas d’issue lorsqu’on s’est construite contre soi-même, on n’échappe jamais à la vitrine qu’on a installée autour de son corps.

Dans la société de Hawthorne et dans notre société matérialiste, l'objectif principal est d'amasser de l'argent parce que l'argent donne le pouvoir d'arrêter le changement, de faire mourir l'univers; aussi, dans la société matérialiste, tout est le contraire de ce que c'est vraiment. Le bien est mal. Le crime est le seul comportement possible

La mort est la seule réalité qu'il nous reste dans notre société télé-bonbon-proprette-sympa-sympa, aussi nous ferions mieux de la vénérer. Sexe sado-maso. Punk rock.

Les femmes ne sont pas juste des esclaves. Elles sont ce que les hommes veulent qu'elles soient. Elles sont faites, créées par les hommes. Elles ne sont rien sans les hommes. Je dois décider de ce qu'est le monde à partir de ma propre solitude.


Putain est un long cri adressé au lecteur, une confession pleine de rage et de lucidité où Nelly Arcan met en scène une narratrice escort qui ausculte les ressorts du désir masculin et les blessures d’une femme qui s’y plie.

La solitude, le sentiment d’usurpation et la haine de soi forment un nœud inextricable qui se resserre à chaque rendez-vous, chaque maquillage, chaque nuit passée à louer son corps.

Dans un monologue spiralé, la narratrice fouille l’enfance, les pressions familiales, l’idéal impossible d’un corps parfait, autant de forces qui la ramènent invariablement vers l’abîme.

Le texte, d’une densité étourdissante, conjugue lucidité sociologique, lyrisme obsessionnel et litanies répétitives pour faire vaciller les mythologies patriarcales autour du désir féminin et de l’image de la pute.