Un bail
Une rue. Je marche. Les vitrines défilent sans que j’y prenne garde. Un visage qui m’est immédiatement familier.
— Salut
Un temps d’arrêt, un ange passe.
— Ah oui !
— Ça fait un bail
On parle de décennies. Mon cœur va exploser. Je ne suis pas surpris, je suis anéanti. Cette histoire, peut être d’amour, qui a pris fin je ne sais même plus exactement comment ni pourquoi.
— Qu’est ce que tu deviens ?
C’est con comme question, elle va me résumer trente ans de sa vie, comme ça, en deux phrase sur le trottoir.
— Je suis prof, au lycée Machin, depuis vingt ans
Éviter le personnel, la manœuvre de défense classique.
— Et toi ?
— Moi, j’ai continué dans la même voie. Mon droit et reprise de l’étude de papa. Rien de bien folichon.
— Mais tu étais aux Beaux-Arts à l’époque
À l’époque, encore un bel euphémisme, à quelle époque ? Celle où on couchait ensemble ?
— Oui, mais c’était surtout pour faire chier mes parents. Quand ils m’ont menacé de me couper les vivres, juste après qu’on se soit séparés, je suis vite rentré dans le rang. Pas prêt pour la vie de bohème.