Tout commença dans la steppe

Tout commença dans la steppe, dans le cercle des regards qui crépitaient avec le feu de camp. Les derniers avaient rejoint le groupe dans la soirée. Demain ce serait le grand départ. Une fois que la gamelle de ragoût eut fait le tour des écuelles, le Professeur prit la parole. Professeur , il ne l’était pas vraiment mais tout le monde faisait semblant de le croire.

Le verbe haut, comme à son habitude, il rappela l’objectif de l’expédition, trouver ce qui avait produit cette foutue secousse ressentie quinze ans auparavant dans toute la Sainte Russie, et même au delà. Il poursuivit en décrivant les étapes du voyage et donc le bourbier progressif dans lequel ils allaient s’enfoncer. Le bruit des cuillères dans les écuelles s’atténua, quelques uns osèrent des chuchotements, protégés par l’apénombre qui les enveloppa avec le coucher du soleil.

Le professeur haussa la voix, ce qui calma les ardeurs digressives des moins téméraires. Sacha, qui ne faisait pas partie de ceux là, ajusta sa position et vit la scène qui se déroulait devant ses yeux comme si il était au théâtre. Cet orateur déclamant ses prescriptions à un public médusé.

Lui était arrivé ici un peu par hasard. Il avait été intrigué par l’affluence soudaine au village. Plusieurs groupes d’inconnus étaient passés plusieurs jours durant. Avec l’enthousiasme qui le caractérisait, il les avait approché, suivi, guidé dans le projet, vite élaboré, de se rendre indispensable et de participer à cette aventure qu’il devinait.