Où est passée Bételgeuse ?

Ça avait commencé par des voix dans la rue. Un bruit plutôt inhabituel dans cet environnement où la voiture est reine. Il avait lui même rangé la sienne dans son garage sans mettre le nez dehors. Nez qui n’avait pas non plus vu le soleil en quittant l’immeuble du quartier d’affaire où il passait ses journées.
Ce brouhaha, ces conversations, ces cris alors que l’on n’était même pas dimanche, jour des barbecues entre amis, quelle incongruité. Et cela continuait, plusieurs minutes s’étaient écoulées et le défilé semblait se poursuivre. Il finit par jeter un coup d’oeil dehors.
Là où il s’attendait à voir un troupeau d’hurluberlus débraillés, il vit ses sosies. Des gens comme lui. Et il y avait ce bout de papier glissé sous la porte qu’il avait machinalement posé sur la console de l’entrée. Quelques lettres énigmatiques.
Bételgeuse R.I.P.
Il en avait effectivement entendu parler. Après plusieurs décennies de soubresaut, cette étoile, proche voisine de notre soleil allait s’éteindre dans un fracas éblouissant. C’est du moins ce que disais tout les spécialistes, qu’on entendait partout, pourvu qu’on s’intéresse au sujet. Plus nombreux encore, tous les gourous, apôtres, devins et autres voyants prédisaient une apocalypse imminente.
C’était donc cela, cet attroupement. Que faire ! De toute façon si l’évènement se produisait l’orage électro-magnétique serait tel qu’il passeraient a minima la soirée dans le noir, déconnecté de toutes leurs connections avec le monde extérieur.
Il ne sut convaincre Perséphone de l’accompagner, mais sa décision était prise, il serait aux première loges. En courant il rejoignit la marée humaine qui ne cessait de couler le long de l’allée principale du domaine. À peine avait-il pris sa place dans le flot que la luminosité commença à changer. La lumière blafarde de la lune fut rapidement dominée par celle de Bételgeuse, qui pour les observateurs attentifs avait déjà doublé de volume. Évidemment tous les murmures avaient cessés. On entendait de nouveau les bruits de la ville.
Et puis, ce fut le silence. Tout ce que la fée électricité produisait comme vacarmes, illuminations, mouvements cessa brutalement. À la place, la marée de particule illumina le ciel d’aurores qu’on aurait difficilement pu qualifier de boréales étant donné la latitude.