Les mots qui me manquent

Il faudrait un mot pour décrire le moment où on résout un problème alors qu’on était sensé penser à tout autre chose. L’expérience du — bon sang mais c’est bien sur — pendant la pause cigarette. Combien de problèmes informatique ai-je résolu par ce pas de coté. Continuer de se concentrer sur ce qui ne fonctionne pas est une impasse.
Il faudrait un mot pour décrire l’ennui. Pas l’ennui entre deux moment où on ne va pas s’ennuyer. L’ennui qui n’a pas d’objet, quelque chose entre le désintérêt du monde et l’intuition que tout est là, la passion a portée de main.
Il faudrait un mot pour décrire le coup de foudre. Celui que l’on pourrait employer pour dire, ne t’inquiète pas je ne vais pas envahir d’un coup d’un seul tout ton espace. Juste pour dire que là, ici et maintenant tu as envahi tout le mien. Mais je sais que ça ne va pas durer — et j’y survivrais.
Peut être.
Il faudrait un mot pour désigner les personnes qui savent quand on est con et faible. Arno les nomme les yeux de ma mère, moi, je crois que ce sont ceux de ma fille.
Il faudrait un mot pour désigner ce sentiment, cette certitude acquise, qu’il n’y aura pas de Grand soir, que les puissants ont d’ores et déjà gagné la lutte des classes, que la lutte est vaine même si elle est indispensable. On l’appelle parfois nihilisme, — tout cramer pour partir sur de bonnes bases — mais personne n’y crois. C’est justement l’attachement visceral à ce que l’on a, fut-il minuscule, qui nous empêche. En fait il faudrait trouver un mot pour dire que la lutte est forcement vaine bien que vitale.