La foule
Je m’appelle Cassiopé et je suis enfin arrivée au bout du chemin. Je n’aurais jamais cru que ça puisse être aussi long quand je suis partie.
D’abord il y eut la foule. S’en extirper. Ces corps que j’ai dû disperser, écarter, ignorer. Mon corps malaxé, dérouté, déséquilibré. Il y eut aussi ces odeurs. La foule pue. La sueur, le tabac, l’alcool. Le pire fut peut-être les mains, résistant à mon désir de m’extraire. Les mains qui me touchaient là où on ne me touche jamais. Pas un toucher impudique, un toucher répulsif. Elles me disaient “tu es trop près, écarte-toi”. Crier, hurler mais à quoi bon. Car si la foule pue, elle hurle aussi. Juste pour être entendu par son voisin, tout le monde crie. Il faut aussi couvrir la musique qu’on est soi-disant venu écouter. Enfin j’aperçois la lisière. Plus la peine de percuter, éviter suffit. L’odeur, le bruit s’éteignent peu à peu.
Et puis quelques mètres plus loin, il y eut la mer. Brutalement elle éteignit tout. Le bruit, l’odeur, l’oppression. Elle prit le pouvoir, s’imposa. Elle mit de l’ordre, un rythme régulier. Mes pieds, léchés par l’eau puis découverts, la vague envahissant l’espace sonore puis les bulles laissées dans le sable éclatant pendant cet instant de retrait, de repos.